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Le Soleil

Les mouvements du Soleil (V)

La surface du Soleil est continuellement en mouvement en raison de l'existence de plusieurs composantes dynamiques qui sont par ordre d'importance :

- La rotation solaire

- La convection cellulaire

- Les oscillations

- Le courant méridional.

La vitesse la plus élevée est induite par la rotation du Soleil sur lui-même qui atteint 2 km/s au niveau de l'équateur. Notons que c'est une vitesse de rotation relativement lente quand on sait que la vitesse équatoriale de la Terre est de 0.46 km/s (1670 km/h) et dépasse 250 km/s dans le cas de l'étoile "Topaze", le compagnon B du système double d'Albiréo, β Cygni.

Les oscillations solaires sur lesquelles nous nous attarderons un peu plus bas et les mouvements convectifs ont une amplitude d'environ 300 m/s. Enfin le courant méridional est le plus faible avec une vitesse moyenne de 20 m/s.

Chacune de ces composantes joue un rôle important et permet aux physiciens solaires de comprendre comment le Soleil entretient son cycle d'activité de 11 ans et génère son champ magnétique.

Les courants solaires

A gauche, variation de la vitesse à la surface du Soleil en fonction de la latitude. A droite, une modélisation de la rotation solaire jusqu'à 20000 km de profondeur. En jaune les courants rapides, en bleu les courants lents. Le flux polaire (courant méridional) qui plonge jusqu'à 26000 km de profondeur est représenté par les courbes bleues. Documents Rachel Howe, Rudi Komm, Frank Hill/AURA/NSO/NSF et SOHO/MDI.

Les données sur la vitesse et la direction des cellules convectives solaires sont principalement recueillies par l'instrument GONG (Global Oscillation Network Group) de la NOAO et l'imageur MDI (Michelson Doppler Imager) embarqué sur la sonde spatiale SOHO. Ces deux instruments permettent de déterminer les vitesses des courants solaires en surface en mesurant l'effet Doppler d'une raie du nickel dans les couches froides de l'atmosphère solaire. En complément, l'instrument GOLF (Global Oscillations at Low Frequencies) du satellite SOHO permet d'étudier la vitesse des ondes de gravité dans les profondeurs du Soleil.

L'étude de l'intérieur du Soleil fait partie du domaine de l'astérosismologie et plus précisément de l'héliosismologie qui s'intéresse aux modes d'oscillation du Soleil.

Les vibrations du Soleil

Les caractéristiques des mouvements se produisant dans le Soleil se mesurent grâce à l'héliosismologie évoquée précédemment (page 3). Le principe consiste à appliquer les techniques de sismologie terrestre afin d'étudier la vitesse du son à l'intérieur du Soleil. Cela permet de dresser sa cartographie et son profil de densité à différentes profondeurs.

La surface du Soleil vibre comme un fluide sous les chocs des électrons relativistes. Document SOHO/MDI.

Tout corps qui n'est pas dans une position d'équilibre oscille autour de sa position : c'est le cas d'une corde attachée par ses extrémités ou de la membrane d'un tambour qui produit un son. Dans le cas du Soleil, étant donné qu'il est sphérique, ces ondes se propagent dans tout son volume, en trois dimensions. On reviendra plus bas sur les caractéristiques des oscillations du Soleil.

Que la surface du Soleil vibre n'est donc pas en soi une découverte fondamentale car ce phénomène se produit avec tous les corps et on l'a déjà observé sur quelques étoiles. Ce qui est plus étrange dans le cas du Soleil c'est la très faible amplitude de ces oscillations et leurs caractéristiques.

C'est en 1960 que les premiers mouvements d'oscillations ont été détectés à l'intérieur et au-dessus de la granulation solaire. Ils présentent une périodicité pratiquement  fixe de 5 minutes et une vitesse d'environ 0.5 km/s. On en déduit que les couches situées au-dessus de la zone de convection se soulevent et s'abaissent par rapport à la position moyenne de la photosphère et de la basse chromosphère. L'excursion type est de l'ordre de 50 à 100 km.

Ce mouvement est organisé et selon des simulations réalisées par D.Gough et J.Toomre en 1991, la longueur d'onde horizontale de ces ondes varie entre quelques milliers de kilomètres et la circonférence du Soleil. Globalement les deux-tiers de la surface solaire subissent ce type d'oscillation à un moment donné. Oui, le Soleil respire !

En 1984, on découvrit que l'étoile la plus proche, Rigil Kentaurus (ex-Alpha du Centaure), subissait également des oscillations de 5 minutes. Il apparaît aujourd'hui que cette fréquence constitue un extrême dans une période d'oscillation qui atteint au maximum 160 minutes.

Dans le cas du Soleil, les astrophysiciens ont mis en évidence deux principaux modes de vibrations :

- une dilatation et une contraction de toute la surface solaire un peu comme une respiration,

- une dilatation de certaines zones pendant que d'autres zones se contractent.

Ces vibrations peuvent être acoustiques (ondes de pression ou primaires appelées modes p), à la manière du mode vibratoire d'un tuyau d'orgue dont l'air est compressé ou gravitationnelles (ondes de gravité appelées modes g et ondes de gravité de surface appelées modes f), comme les oscillations de la surface de la mer dont la masse pesante offre une certaine résistance et qui, alternativement, oscille dans certains modes résonants créant l'amplitude des vagues qui montent et descendent par rapport au niveau moyen. A la surface du Soleil, ces variations d'amplitude atteignent 8 km. Les modes p ont des périodes beaucoup plus courtes que les ondes g (respectivement quelques minutes et quelques heures).

La décomposition en harmoniques sphériques

C'est en 1970 que Roger Ulrich de l'UCLA et indépendamment John Leibacher et Robert Stein en 1971 aujourd'hui respectivement au NSO et au MSU ont proposé que les ondes acoustiques solaires étaient piégées dans son atmosphère qui faisait office de boîte de résonance comme un tambour; elles se propagaient de l'intérieur vers la surface du Soleil sur laquelle elles rebondissaient en raison du changement soudain du gradient de densité comme on le voit sur l'animation ci-dessous à droite. Leur théorie prédisait également certains détails du spectre des oscillations du Soleil qui furent confirmées par les observations de Franz Deubner de l'Institut Fraunhofer en 1975 et en 1981 par Edward Rhodes de l'USC et ses collègues dont Ulrich.

Document BISON.

Pour comprendre ce phénomène vibratoire, les chercheurs ont utilisé un système de référence spécifique pour décrire le nombre de noeuds ou réflexions présent dans chaque configuration d'onde basé sur les lois de la géométrie sphérique et les méthodes de l'expansion en harmoniques sphériques.

Les modes p d'oscillations du Soleil suivent les lois des ondes sonores (acoustiques) stationnaires. La géométrie sphérique de ces ondes est déterminée par 3 paramètres : n, l et m.

- n, est le nombre de noeuds présent radialement (verticalement) entre le centre du Soleil et la surface. La valeur de n comme celle de m sont égales ou supérieures à 0. L'oscillation radiale fondamentale correspond à n=0.

- m, est le nombre de noeuds présent autour de l'équateur. Il s'agit de noeuds circulaires de surface se croisant au pôle (nord ou sud). m peut prendre n'importe quelle valeur entre -l et l.

- l, est le nombre de noeuds présent autour de l'azimut (le long du grand cercle passant par les pôles) ou lignes nodales en surface. Les valeurs de l oscillant entre zéro et un bon millier.

Une combinaison particulière des paramètres n, m et l décrit ce qu'on appelle un mode d'oscillation. La distribution des vitesses à un instant donné est la combinaison de ces millions de modes.

Comme un son peut se composer de plusieurs notes différentes, la plupart des oscillations du Soleil se composent d'une oscillation fondamentale verticale associée à des harmoniques verticales (des multiples et sous-multiples de l'onde fondamentale) et des oscillations non verticales. Les différentes parties de la surface du Soleil peuvent donc osciller en harmonie, en phase, ou être déphasées et plus ou moins s'annuler et ne présenter aucune oscillation.

Les harmoniques solaires sont de fréquences plus élevées que l'onde fondamentale et sont imposées par la nature de sa surface. C'est grâce à l'analyse de Fourier qu'il est possible de déterminer les fréquences de chaque mode formant l'ensemble d'une oscillation.

A consulter : Simulateur d'harmoniques sphériques

Applet Java (le chargement est lent)

A gauche, représentation de l'un parmi les 10 millions de modes d'oscillations du Soleil (modes p). A droite, distribution des vitesses pour le mode l =36 et m = 24. En réalité ces images ne sont pas statiques. En l'espace de cinq minutes les mouvements s'inversent; les zones bleues deviennent pourpres puis rouges et inversement comme une membrane ou une surface fluide vibre à certaines fréquences sur certaines modes. Documents AURA/NOAO/NSF/GONG et BISON.

Concrètement, la surface du Soleil présente des mouvements ascendants et descendants et des zones ou lignes dites nodales où l'amplitude verticale des oscillations est nulle. Ailleurs, les harmoniques se combinent pour devenir aussi complexes que la surface de la mer sous l'effet de la houle et du vent et requièrent une analyse de Fourier pour mettre en évidence toutes les oscillations verticales et non verticales se superposant.

Depuis le sol, les mesures sont difficiles à réaliser car les conditions dans lesquelles elles doivent être prises sont très contraignantes (aucun nuage et aucune perturbation terrestre pendant 24 heures, etc.), raison pour laquelle les astronomes comptent beaucoup sur les observatoires orbitaux dont SOHO.

Les analyses indiquent que le diamètre du Soleil oscille régulièrement en suivant plusieurs cycles. Le premier cycle décrit par Ulrich en 1970 dure au minimum 5 minutes (avec des modes radiaux n=15 à 30 et des modes azimutaux l=1 à 5) et au maximum 60 minutes et est lié essentiellement aux ondes de pression. D'autres ondes acoustiques traversent le Soleil et rebondissent sur sa surface toutes les 4h 7m. Mais cette période ou plutôt ce signal est modulé par les ondes de gravité ou ondes g (voir plus bas). Les ondes de gravité engendrent un second cycle qui dure 160 minutes. Les amplitudes sont très faibles, de l'ordre de 0.5 à 2 m/s.

Origine et effets des vibrations du Soleil

D'où proviennent ces ondes de pression et de gravité et quelles sont leurs effets sur l'activité du Soleil ? Leur interprétation n'est pas évidente mais ces ondes sont caractéristiques de la structure profonde de la zone convective pour les modes p et de la zone radiative profonde pour les modes g. Les observations indiquent que la base de ces ondes se situe à moins de 300000 km du centre du Soleil (le noyau mesure 200000 km de rayon) soit bien plus bas que la région où le transport de l'énergie par rayonnement passe au profit du transport convectif (à la base de la zone convective située à moins de 500000 km du centre du Soleil et large de 200000 km).

Grâce à l'imageur Doppler MDI du satellite SOHO, les astronomes peuvent effectuer des mesures holographiques afin d'analyser les taches solaires sur la face cachée du Soleil en traversant littéralement le coeur de notre étoile. Ces données peuvent être complétées par l'expérience tout à fait étonnante d'anisotropie du vent solaire (SWAN) également embarquée à bord de SOHO qui permet de visualiser en lumière ultraviolette les "empreintes" que provoquent les taches solaires de la face cachée dans le milieu interplanétaire. Complétées par les données de GONG et une fois mises en corrélation ces données permettent d'analyser la propagation des ondes acoustiques à l'intérieur du Soleil.

Cette image réalisée par l'instrument MDI de SOHO montre la région active AR 9393 en transit sur la face cachée du Soleil le 12 avril 2001 (voici son image lorsqu'elle était sur la face visible le 25 mars 2001). Les régions jaunes et rouges indiquent des condensations magnétiques qui affectent la vitesse de propagation des ondes acoustiques à l'intérieur du Soleil. Document SOHO/MDI.

Il faut en effet chercher l'origine de ces vibrations dans la structure interne du Soleil[18]. Comme expliqué plus haut, si nous comparons le Soleil à un résonateur pour des ondes acoustiques, on peut le comparer par analogie avec un tambour. En effet, la surface et les niveaux plus profonds du Soleil jouent un rôle similaire aux parois d'un tambour ou d'un tuyau d'orgue, entre lesquelles un système d'ondes stationnaires s'établit. Le son se propage ainsi plus ou moins bien en fonction de la densité du milieu et de sa température, la période des oscillations solaires étant étroitement liée à la température et la densité du plasma. L'analyse de la propagation radiale des oscillations et leur durée d'amortissement permettent d'élaborer des modèles de la structure interne du Soleil et de les comparer aux observations.

Les astrophysiciens expliquent ces phénomènes d'oscillations et en particulier les ondes de pression comme étant une manifestation de la turbulence des électrons issus de l'activité nucléaire. Accélérés par le champ magnétique, les électrons peuvent acquérir des vitesses voisines de la moitié de celle de la lumière ! En percutant les couches successives de l'atmosphère solaire ils provoquent des vibrations du plasma, des ondes de choc et des phénomènes acoustiques responsables des "sursauts" radioélectriques qui peuvent durer plusieurs heures.

Comme nous l'avons expliqué à propos des structures à grandes échelles (cellules convectives géantes et ondes de Rossby), ce sont les mouvements convectifs ayant lieu en profondeur qui bombardent les couches superficielles et plus stables du Soleil, y produisant des ondes de choc relativistes, des zones (taches) d'instabilité et des éruptions. Certaines ondes acoustiques proviennent de la granulation visible au niveau de la photosphère, ces petits tubes de convection d'environ 1000 km de diamètre. Selon Phil Scherrer de l'Université de Stanford et responsable de l'instrument MDI, les ondes sonores analysées ont une période d'environ 5 minutes, ce qui qu'est grosso-modo la fréquence d'une granule de cette dimension.

Selon Ulrich (cf. son article de 1970), les ondes p d'une période de 5 minutes développent une énergie de 5 à 7 millions de ergs soit plus de 0.5 Ws ou 0.5 J. Cette puissance suggère que sa dissipation en 5 minutes au-dessus du niveau de la température minimale (~500 km au-dessus de la photosphère, cf. ce schéma) est responsable de la chaleur de la chromosphère et de la couronne.

Nous verrons justement à propos de la couronne qu'en 2019, Richard J. Morton de l'Université Northumbria et ses collègues ont découvert que les ondes acoustiques (modes p) laissent un marqueur distinctif sur les ondes magnétiques d'Alfvén. La couronne entière du Soleil vibre à l'unisson en réponse aux ondes acoustiques, engendrant des vibrations sur une plage de fréquences bien précise.

Origine des ondes de gravité

Si les astronomes comprennent l'origine et les effets des ondes de hautes fréquences (modes p), l'origine des modes g est restée inconnue pendant plus de 40 ans. Or, les modes g sont la clé pour comprendre la structure et la dynamique du noyau du Soleil.

Coupe du Soleil montrant la propagation des ondes de pression et de gravité. Il s'agit d'harmoniques acoustiques sphériques (3D) dans les modes d'oscillations "p" (ondes de pression d'ordres supérieurs, c'est-à-dire de fréquence élevée en rouge) et modes "g" (ondes de gravité radiales en bleu et vert). Document T.Lombry.

A force de patience, l'analyse des données recueillies pendant 16 ans par l'instrument GOLF précité a permis aux astrophysiciens solaires d'isoler pour la première fois en 2017 un type particulier d'onde g appelé le mode g et de comprendre comment il fait vibrer le coeur du Soleil.

Ce résultat fut comparé aux simulations et suggère que le noyau du Soleil effectue une rotation sur lui-même en une semaine (période de ~1644 nHz), ce qui est 3.8 plus rapide que l'enveloppe intermédiaire radiative et que la surface solaire (au niveau des taches sombres) dont la période est d'environ 25 jours à l'équateur et de 35 jours aux pôles.

Eric Fossat de l'Observatoire de Côte d'Azur et une équipe internationale d'astronomes publièrent les résultats de cette découverte majeure dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en août 2017. Selon Bernhard Fleck du projet SOHO au centre Goddard de la NASA, "il s'agit certainement du plus grand résultat obtenu par SOHO au cours de la dernière décennie et de l'une des découvertes les plus importantes jamais réalisée par SOHO."

Selon Roger Ulrich qui participa à cette étude, la différence de vitesse qu'on observe entre la surface et les profondeurs du Soleil remonte certainement à l'origine de sa formation, il y a 4.6 milliards d'années. L'idée est que d'une façon ou d'une autre, le rayonnement et le vent solaire émis par le Soleil sont en mesure de ralentir les régions extérieures sans perturber son taux de rotation interne (le spin). En fait quand les astronomes mesurent les ondes g, ils analysent les reliques du noyau du Soleil tel qu'il était lors de sa formation, d'où l'intérêt de cette découverte. Selon Fossat, "Même si cette recherche qui dura plusieurs décennies est terminée, une nouvelle fenêtre de la physique solaire s'ouvre maintenant."

Éruptions solaires et oscillations X

En 2017, Ryan O. Milligan et son équipe ont annoncé dans les "Astrophysical Journal Letters"  la découverte d'un nouveau type d'oscillation solaire d'une période de 3 minutes qui fut détecté lors d'une éruption solaire.

La découverte se fonde sur deux études. La première étude se base sur les données du satellite GOES de la NASA qui détecta par hasard des oscillations solaires lors d'une éruption de classe X2.2 survenue le 15 février 2011 à 01:56 TU présentée ci-dessous détectée dans la partie UVE du spectre où les éruptions de classe X sont les plus puissantes. Grâce au satellite SDO de la NASA sensible à l'UVE mais également capable d'observer la couronne dans d'autres longueurs d'ondes, les astrophysiciens ont pu suivre les oscillations à travers le spectre et son évolution entre la chromosphère et la couronne.

A voir : Eruption solaire de classe X2.2 du 15 février 2011

Cette découverte est importante car elle fournit aux astrophysiciens solaires des informations sur la façon dont l'énergie d'une éruption traverse l'atmosphère du Soleil et pourrait le cas échéant émettre de l'énergie dans l'espace, un processus encore mal connu mais qui peut jouer un rôle dans les effets de la météorologie spatiale.

Dans la deuxième étude, publiée en 2017 dans le "Journal of Geophysical Research" par l'astrophysicienne solaire Laura Hayes du Trinity College de Dublin et son équipe, les chercheurs ont étudié le lien entre les éruptions solaires et l'activité de la région D de l'ionosphère située vers 30 km d'altitude. Au cours d'une éruption de classe C survenue le 24 juillet 2016, ils ont découvert que les oscillations détectées dans l'ionosphère reflétaient les oscillations des rayons X solaires.

Rappelons que la région D affecte les communications HF et notamment les signaux de navigation. Tout changement dans la densité électronique peut dégrader la qualité des signaux, ce qu'on observe notamment au cours des éclipses solaires. L'équipe a découvert que la densité électronique de la région D oscillait avec la même fréquence que les oscillations observées dans les éruptions X solaires. En réponse au rayonnement solaire incident, les chercheurs ont découvert que lors de ces oscillations, la densité électronique de la région D augmentait jusqu'à 100 fois en seulement 20 minutes, un effet que les astronomes ne s'attendaient pas découvrir dans l'ionosphère (mais on sait depuis longtemps que les couches ionosphériques changent de densité et d'épaisseur sous l'effet du rayonnement solaire).

A l'avenir, les chercheurs espèrent démontrer que l'atmosphère terrestre est plus étroitement liée à la variabilité des rayons X solaires que l'on pensait auparavant. Reste à présent à explorer davantage cette relation dynamique entre le Soleil et l'atmosphère de la Terre.

L'inclinaison de l'axe de rotation du Soleil

Bien que le Soleil serve de point de référence dans le cadre du système héliocentrique, son axe de rotation n'est pas confondu avec les axes de coordonnées X,Y . Son axe de rotation est incliné de 7.25° par rapport au plan de l'écliptique. Vu de la Terre, s'ajoute l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre sur le plan de l'écliptique valant 23°26' en 2017. Etant donné que ces deux composantes fluctuent, nous devons trouver un autre cadre de référence inertiel.

Le référentiel qui nous sert de référence est le fond du ciel sur lequel se projète le disque du Soleil. Etant donné que le Soleil peut se balancer d'ouest en est et d'avant en arrière, son inclinaison absolue (ou presque) est définie par deux angles :

- L'angle d'inclinaison P entre le Pôle Nord Céleste et le Pôle Nord Solaire. Il est compté positivement vers l'est et varie entre ±26.32° au cours de l'année.

- L'angle d'inclinaison Bo de la latitude héliocentrique du centre apparent du Soleil sur l'équateur solaire. Il est compté positivement quand le l'équateur solaire est dirigé vers le Sud céleste. Il varie entre ±7.23° au cours de l'année.

Enfin, la longitude héliocentrique Lo mesure la longitude par rapport au centre du disque solaire. Elle est comptée positivement vers l'ouest à partir du méridien de Carrington. Cette mesure intervient dans l'établissement des cartes synoptiques de l'activité solaire et notamment pour la mesure de la longueur des taches solaires ou des protubérances.

Notons que des logiciels permettent de calculer automatiquement l'inclinaison du Soleil en fonction de la date dont TiltingSun et Helio Viewer.

A gauche, simulation de l'inclinaison de l'axe de rotation du Soleil lors du Solstice d'été en 2017. A droite, amplitude d'un mode d'oscillation dipolaire à 3 composantes en fonction de l'angle d'inclinaison de l'axe de rotation de l'étoile par rapport à l'observateur (dans cet exemple l'axe est incliné de 35°). Cf. le texte pour l'explication. Cliquez sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 13 MB). Documents T.Lombry/TiltingSun et Enrico Corsaro/CEA.

Comment à présent déterminer l'angle d'inclinaison non seulement du Soleil mais de manière général, d'une étoile ? Cette mesure fait appel à l'astérosismologie, une spécialité que connaît bien l'astrophysicien Enrico Corsaro du CEA-Irfu. Le diagramme présenté ci-dessus à droite présente les variations d’amplitude d’un mode d’oscillation dipolaire ayant 3 composantes en fonction de l’angle d’inclinaison de l’axe de rotation d'une étoile par rapport à l'observateur. Quand l’étoile est alignée avec la ligne de visé (0°), seule la composante centrale de l’oscillation est décelable. Observée à 90°, seules les deux composantes de l’extrémité de l’oscillation sont observables. En mesurant les amplitudes relatives de ces trois composantes, il est possible de déduire l’angle d’inclinaison de l’étoile.

Evolution des modèles

A mesure que les modèles mathématiques de résonance d'ondes acoustiques et de vibrations gravitationnelles seront affinés, les astrophysiciens seront en mesure de prévoir avec plus de précision les oscillations solaires et d'en déduire la structure interne de notre étoile et son activité de surface. Rappelons qu'une méthode similaire s'applique à l'étude du champ magnétique terrestre.

En l'espace de 20 ans, l'héliosismologie a déjà découvert qu'il existait un lien entre la composition chimique du Soleil, les mouvements profonds de son atmosphère et sa température. On a également pu dater l'âge du Soleil de manière beaucoup plus précise que sur base des méthodes astrophysiques classiques (données CODATA, diagramme H-R, équation d'état ou EOS, modélisation MHD des changements structuraux interne de l'étoile, modèle d'opacité OPAL, composition chimique de l'enveloppe extérieure) qui sont grevées d'une imprécision pouvant atteindre 1 milliard d'années.

Sur base des données héliosismiques, dans une étude publiée dans la revue "Astronomy & Astrophysics" en 2015, A.Bonanno et H.-E. Fröhlich ont calculé l'âge du Soleil à partir de l'équation d'état d'Alan W. Irwin (cf. les routines Fortran) et du taux de réactions NACRE (Nuclear Astrophysics Compilation of REactions) et obtenu un âge de 4.587 ±0.007 milliards d'années (contre 4.57 ±0.11 milliards d'années selon M.Yildiz et N.Kiziloglu, 1997; A.Bonanno et al., 2002; G.Dogan, A.Bonanno et al., 2010). Cet âge est compatible avec l'âge des météorites.

Si certaines prédictions sont corroborées à plus de 99% avec les observations, l'héliosismologie ne parvient pas encore à rejoindre le modèle Standard. Deux raisons expliquent ces difficultés : l'incertitude sur l'abondance de l'hélium et des éléments lourds et le fait qu'il soit impossible de déterminer la vitesse de rotation interne du Soleil.

Nous savons par exemple que la rotation interne du Soleil est très différente de ce que prévoit le modèle Standard. Celui-ci stipule en effet que la rotation du Soleil devrait augmenter avec la profondeur. Or les données du satellite SOHO modifient la redistribution du moment angulaire à l’intérieur du Soleil. En particulier, il apparaît que le champ magnétique joue un rôle stabilisateur dans la rotation solaire, jusqu'ici sous-estimé. Mais à ce jour la région du cœur du Soleil, sous 0.15 rayon solaire reste encore inexplorée et on ignore si sa rotation s'accélère conformément au modèle Standard. On espère que les nouvelles données satellitaires à propos du mode g permettront bientôt de lever ce mystère.

Quant à l'abondance des éléments, c'est encore plus délicat. Nos modèles pêchent actuellement par approximation. Si par exemple l'abondance de l'hélium est surestimée d'un facteur 2, le flux de neutrinos[19] est conforme aux calculs mais la période des oscillations est trop élevée. Si l'abondance est surestimée d'un facteur 4, les périodes d'oscillations sont conformes mais le flux de neutrinos est cette fois trop élevé. Si on souhaite conserver la faible abondance des éléments lourds (~0.2%), le flux de neutrinos est trop faible et le modèle héliosismique s'écroule. Enfin, si la vitesse de rotation interne du Soleil est 30 fois supérieur à sa vitesse superficielle, on retrouve les valeurs du flux de neutrinos mais cette fois la pression et la température interne sont trop faibles. Décidément, il est encore difficile de comprendre la physique solaire.

Prochain chapitre

L'héliosphère et ses composantes

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[18] R.Rosner et N.Weiss, Nature, 317, 1985, p790.

[19] J.Bahcall, S.Basu et M.Pinsonneault, Astonomy and Astrophysics, 24 May 1998 ; voir également Phys.Lett. B, 433, 1998, pp1-8 - F.Vannucci, La Recherche, 283, 1996, p4 - Science, 272, 1996, p1281-1305 (Dossier) - J.Maddox, Nature, 320, 1986, p677 - H.Bethe, Physical Review Letters, 56, 1986, p1305.


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