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Les voies de transmission du Covid-19

Illustration artistique de particules virales transmises par voie aérienne dans des gouttelettes. Document Getty Images.

Définitions médicales (I)

Quelle est la différence entre une contamination et une infection ? Le fait de bien faire le distinction pourra en effet nous aider à déterminer le type de mesure sanitaire à prendre.

Une contamination est une atteinte d'un organisme vivant ou souillure d'un objet par un micro-organisme pathogène ou par un agent radioactif. La contamination peut se faire de différentes manières : par voie aérienne via l'inhalation de particules virales ou d'aérosols (microgouttelettes de salive, de poussières, etc) ou par projection (postillons, toux, éternuement, etc), d'une personne à l'autre; par voie digestive via des boissons ou des aliments souillés (ex. typhoïde, poliomyélite); par contact direct sur la peau avec une matière contaminée (tout objet manu-porté) ou dépôt de poussière; et par contact sur les muqueuses (maladies sexuellement transmissibles) y compris celles du nez et les yeux. La contamination n'est pas synonyme de contagion.

On appelle contamination croisée, le transfert de microbes d'une substance à une autre (à ne pas confondre avec l'immunité croisée). Cela inclut le transfert d'allergènes alimentaires (y compris à l'origine de maladies), de produits chimiques ou de toxines. Si toute la population est exposée, il y a des groupes à risque comme les personnes vulnérables ou fragilisées.

Ce transfert pourrait aussi s'opérer malgré des barrières mécaniques et chimiques comme celles utilisées dans le traitement des eaux usées dans les stations d'épuration (voir plus bas).

Une infection désigne d'une part, la pénétration et le développement dans un être vivant, de micro-organismes (bactéries, virus, champignons) qui provoquent des lésions en se multipliant et éventuellement en sécrétant des toxines ou en se propageant par voie sanguine et d'autre part, le résultat de cette pénétration caractérisé par une réponse inflammatoire, au moins locale. Les deux mécanismes, infectieux et inflammatoire, associés initialement peuvent ensuite évoluer séparément. Une infection est dite latente quand elle ne se manifeste par aucun symptôme comme c'est généralement le cas (mais pas toujours) durant la période d'incubation du Covid-19. Une infection est souvent contagieuse.

Notons que la majorité des articles anglo-saxons utilisent le mot "infected" ou "infection" à la fois pour définir la contamination et l'infection. Pour les francophones, ce sont des "faux amis" où même les traducteurs s'y perdent. On y reviendra à propos du taux de létalité.

Transmission du virus

Par quelles voies de transmission et de quelle manière le Covid-19 se transmet-il chez l'homme ? Le Covid-19 se transmet très rapidement dans une population qui se déplace également très rapidement sur la planète (cf. la propagation de la pandémie de Covid-19). C'est la combinaison de ces deux facteurs qui a accéléré sa propagation et sa capacité à profiter de supports à grande vélocité qui le rend plus dangereux que la plupart des virus. Ainsi, dans une ville où il n'existe aucune mesure de protection sanitaire ou un confinement partiel, le virus peut contaminer la majorité de la population en respectivement 2 et 4 semaines. On y reviendra.

A gauche et au centre, deux microphotographies TEM (microscope électronique à transmission) colorisées de Covid-19. A droite, microphotographie SEM (microscope électronique à balayage) de Covid-19 isolés d'un patient aux Etats-Unis et émergant à la surface de cellules de culture. Documents SPL, NIAID/Flickr et NIAID-RML/Flickr.

Les coronavirus existent chez les mammifères et les reptiles mais pas chez les arthropodes comme les insectes. En revanche, les insectes comme les moustiques peuvent servir de vecteur, de porteur sain du virus. Cependant, pour que le cycle viral fonctionne, il faut que le Covid-19 résiste à la digestion dans l'estomac du moustique pour qu'il puisse ensuite via une piqûre contaminée être transmis à un être humain via par exemple sa salive. Cette voie de transmission est donc difficile et probablement très rare.

Le SARS-CoV-2 se propage principalement par voie aérienne. Dans une moindre mesure, il peut aussi se propager par contact, via les liquides corporels et via les eaux usées (cf. page 2).

La transmission aérienne

Comme le confirma une étude internationale publiée dans la revue "Science" le 27 août 2021 par l'équipe de Chia C. Wang de l'Université Nationale Sun Yat-sen de Taïwan, la définition historique de la transmission aérienne - la circulation du pathogène dans l'air - ignore la possibilité que les aérosols puissent également être inhalés à courte distance d'une personne contaminée. Or l'exposition à moins de 0.5 mètre d'une personne contaminée est la voie de transmission la plus probable du fait que les aérosols exhalés sont plus concentrés plus près de la personne qui les émet.

Photo à grande vitesse prise en 1940 par le professeur Marshall W. Jennison du MIT d'un éternuement qui pulvérise des gouttelettes de salive et de mucus de la bouche à des vitesses "musculaires" allant jusqu'à 45 m/s. Document Bettmann/Bettmann Archive.

Mais plutôt que de définir une distance d'exposition de sécurité conventionnelle de 5 mètres, on a récemment suggéré que la distinction entre les aérosols et les gouttelettes virales soit fixée à 100 microns sur base de leur comportement aérodynamique (cf. W.F. Wells, 1934; NASEM, 2020; A.P. Kimberly et al., 2020). Plus précisément, 100 microns représentent les plus grosses particules qui restent en suspension dans l'air immobile pendant plus de 5 secondes (à partir d'une hauteur de 1.5 mètre) et pouvant être transportées à plus de 1 mètre de la personne contaminée où elles peuvent être inhalées.

Pendant la pandémie de Covid-19, il fallut près d'un an pour que les chercheurs occidentaux prouvent la transmission aérienne du virus et l'admettent.

Mais rassurez-vous. A moins de croiser ou discuter avec une personne contaminée qui tousse ou éternue (voir plus bas), vous n'attraperez vraisemblablement pas le virus en sortant de chez vous, même en restant toute une journée à l'extérieur. Même si le SARS-CoV-2 était présent et "tomberait" malencontreusement sur vous, sous cette forme d'aérosol il n'est viable ou plutôt sa charge virale ne reste intacte que quelques secondes sauf si l'air est saturé d'eau.

Le SARS-CoV-2 peut se transmettre lors de l'inhalation de micro-gouttelettes contaminées en suspension dans l'air. Etonnemment, jusqu'en juillet 2020, les experts de l'OMS n'ont pas retenu cette possibilité, jugeant le risque très faible et l'hypothèse non prouvée.

Toutefois, une étude publiée dans la revue "Nature" le 27 avril 2020 montrait déjà que le Covid-19 se transmettait par voie aérienne. Les chercheurs ont montré que les aérosols prélevés dans l'air et sur les objets dans deux hôpitaux de Wuhan en février et mars 2020 (bureau du personnel médical, salle d'habillement des équipes médicales, unité des soins intensifs, toilettes, magasin, etc) contenaient un grand nombre de particules virales. En revanche, dans une grande partie des zones publiques des deux hôpitaux, le niveau de particules virales était indétectable. Les auteurs ignorent cependant si les particules virales étaient encore contagieuses car il n'ont analysé que l'ARN viral.

Selon Ke Lan, directeur du State Key Laboratory of Virology de l'Université de Wuhan et coauteur de cette étude, "Notre étude et plusieurs autres études ont prouvé l'existence d'aérosols de SARS-CoV-2 et ont laissé entendre que la transmission d'aérosols de SARS-CoV-2 pourrait être une voie non négligeable entre les porteurs infectés et une personne à proximité".

Une autre étude publiée dans la revue "Nature" (en PDF sur medRxiv) le 29 juillet 2020 conduite par Joshua L. Santarpia et ses collègues a également trouvé des preuves de contamination virale dans les échantillons d'air et les surfaces des chambres du Centre Médical de l'Université du Nebraska où les patients Covid étaient maintenus en isolement. Selon Santarpia "Je pense que nous sommes nombreux - moi y compris - à être très convaincus que la voie de transmission aérienne est très possible. J'hésiterais à l'appeler prouvé par tous les moyens. Mais je pense qu'il y a de plus en plus de preuves à l'appui".

Si une personne contagieuse tousse ou éternue, elle peut projeter des gouttelettes de salive contaminée à plus de 6 m de distance. Même en parlant normalement, elle peut exhaler des particules contaminées. Le port d'un masque de protection par une personne saine réduit donc le risque d'exposition au virus et en même temps réduit la quantité de particules virales expulsées par une personne contaminée. A gauche, illustration de la transmission aérienne des aérosols pouvant contenir des gouttelettes virales. Après un an et demi d'études des méthodes de transmission du Covid-19, en août 2021, les scientifiques estimaient que la transmission par voie aérienne est probablement la forme dominante de transmission pour plusieurs agents pathogènes respiratoires, dont le Covid-19.Documents C.C.Wang et al. (2021)/Science et adapté de V.Altounian/Science.

Une personne saine peut-être contaminée lors d'un contact prolongé (moins d'une minute pour un virus très contagieux) près d'une personne porteuse du virus, lorsque cette personne rejète par l'exhalation des microgouttelettes pouvant potentiellement contenir des particules virales. Ces virus peuvent parcourir ~1.5 m de distance. Il en est de même au cours d'une conversation, où on peut éjecter des postillons infectés à plus de 50 cm de soi.

Le virus se transmet également via les microgouttelettes expulsées lors d'une toux ou d'un éternuement. Plusieurs études du MIT notamment réalisées dans les conditions contrôlées de laboratoire montrent que lors d'un éternuement, une personne peut projeter des microgouttelettes à 10 m/s à plus de 2 mètres de distance et de grosses gouttelettes à 50 m/s entre 6 et 8 mètres de distance soit en seulement 120 à 160 ms ! (cf. P.Dizikes, 2014; J.Chu, 2016; S.Huang, 2020).

Des tests réalisés au Japon et présentés sur la chaîne NHK le 31 mars 2020 ont montré qu'en l'absence de circulation d'air, les exhalations produites naturellement lors de la respiration ou d''une conversation ont toutes les chances de rester en suspension dans l'air durant plusieurs minutes et de contaminer une personne à courte distance. Une autre étude a d'ailleurs montré que 39% des personnes ayant la grippe exhalent des particules contaminées (J.Yan et al., 2018).

Dans l'une des expériences présentées sur NHK, on découvre que lorsqu'une personne tousse dans un espace clos de la taille d'une salle de classe, environ 100000 gouttelettes peuvent être libérées en quelques secondes. Les grosses gouttelettes tombent au sol en 20 à 30 secondes. Cependant, des microgouttelettes inférieures à 5 microns (pouvant contenir théoriquement entre 30 et 80 virus) peuvent rester en suspension dans l'air pendant 20 minutes, laissant tout le temps aux personnes proches d'être contaminées. Les chercheurs concluent que sans protection, les gens évoluant au sein d'une communauté risquent d'être contaminés pratiquement tout le temps.

A voir : Coughs and sneezes travel farther than you think, MIT

Nothing to Sneeze At, SciFri

A gauche, Richard Davis, responsable du laboratoire de microbiologie clinique du centre médical Providence Sacred Heart Medical à Spokane à Washington a démontré par l'image l'intérêt de porter un masque de protection lorsqu'on porte des germes (dans cet exemple des bactéries). Lors d'une interaction avec une autre personne, il faut moins d'une minute (42 s) pour la contaminer avec des postillons et des microgouttelettes contenant potentiellement des microbes pathogènes. A droite, à Séoul en Corée, derrière ce passant portant un masque de protection, une affiche rappelle aux usagés des transports en commun les risques de contamination par voie aérienne. Notez la distance de contamination estimée à 5 mètres dans cet espace clos. En Europe, cette distance de sécurité fut portée à seulement 1.5 mètre en France et 2 mètres en Belgique, comme si ce risque était moindre en Occident ! Documents Rich Davis et Jung Yeon-Je/AFP.

De manière générale, les experts considèrent que lors d'une discussion avec une personne contaminée située à moins d'un mètre de distance, du fait de l'exhalation et de l'émission d'éventuels postillons, il faut moins de 3 minutes pour que le virus se transmette d'une personne à l'autre. Une étude considère que si on partage le même espace avec une personne contaminée pendant 45 minutes, on inhale suffisamment de virus pour être contaminé (cf. V.C.C.Cheng et al., 2020). Ceci est bien sûr valable pour la souche originale de Wuhan car les variants Delta et Omicron sont beaucoup plus contagieux et se transmettent plus rapidement.

Des simulations ont également montré que les aérosols expulsés lors d'un éternuement peuvent passer au-dessus d'un rayon de supermarché et même d'une ou deux rangées de sièges dans les transports en commun comme illustré ci-dessus. C'est pour éviter cette contamination par contact qu'on imposa le port du masque et la distanciation sociale (~2 mètres). On y reviendra.

Plus récemment, dans une étude publiée dans les "Annals of Internal Medicine" le 17 septembre 2020, des chercheurs ont montré que la plupart des contaminations par le SARS-CoV-2 se propagent par des gouttelettes ou des aérosols respiratoires et non par contact avec une surface (cf. page 2). Selon une interview du microbiologiste et immunologue Erin Bromage de l'Université du Massachusetts à Dartmouth à la BBC, "Une seule respiration libère de 50 à 5000 gouttelettes. La plupart d'entre elles sont de faible vélocité et tombent rapidement sur le sol". Il conclut que le fait de parler sans masque augmente la libération de gouttelettes respiratoires d'environ 10 fois pour atteindre environ 200 copies du virus par minute.

Face à ce faisceau d'indices, le 7 juillet 2020 un collectif de 239 scientifiques publia une lettre ouverte dans la revue "Clinical Infectious Diseases" dans laquelle ils recommandent à la communauté médicale de prendre des mesures de précautions supplémentaires : "Nous appelons la communauté médicale et les instances nationales et internationales compétentes à reconnaître le potentiel de propagation aérienne du Covid-19. Il existe un potentiel d'inhalation important exposition à des virus dans des gouttelettes respiratoires microscopiques (microgouttelettes) à de courtes à moyennes distances (jusqu'à plusieurs mètres, ou échelle de la pièce), et nous préconisons l'utilisation de mesures préventives pour atténuer cette voie de transmission aéroportée".

Sachant qu'une image vaut 1000 mots, les auteurs ont ajouté le dessin ci-dessous pour illustrer leurs propos.

Les auteurs proposent d'appliquer trois mesures complémentaires à celles existantes :

- Disposer d'une ventilation suffisante et efficace, en particulier dans les bâtiments publics, les environnements de travail, les écoles, les hôpitaux et les maisons de retraite;

- Ajouter des dispositifs de contrôle des infections aéroportées, comme une ventilation locale par aspiration, des systèmes de filtration de l'air à haute efficacité ou de la lumière ultraviolette aux propriétés germicides;

- Éviter l'encombrement, en particulier dans les transports publics et les bâtiments publics.

L'OMS a répondu par l'entremise de la Dr Benedetta Allegranzi, responsable de la prévention et du contrôle au sein de l'organisation, qui s'est défendue en indiquant que les preuves de la propagation du virus par voie aérienne ne sont pas suffisantes. En revanche, elle reconnaît que le risque existe dans les espaces fermés.

Selon le "New York Times" du 4 juillet 2020 qui relaya sa déclaration : "Au cours des deux derniers mois, nous avons déclaré à plusieurs reprises que nous considérions la transmission aéroportée comme possible, mais certainement pas étayée par des preuves solides ou claires". En effet, même l'OMS affirmait encore le 29 juin 2020 que ladite transmission par voie aérienne du virus n'est possible qu'après des procédures médicales produisant des aérosols ou des gouttelettes inférieures à 5 microns. Or comme nous allons l'expliquer, depuis on a prouvé que le SARS-CoV-2 se propage facilement dans l'air, en particulier dans les espaces clos très fréquentés et mal ventilés.

L'exemple le plus flagrant de transmission aéroportée du SARS-CoV-2 fut la contamination du président Trump le 2 octobre 2020 ainsi que plusieurs personnes de son entourage à la Maison Blanche. Rétrospectivement on constate que lors des réceptions officielles personne ne portait de masque alors qu'ils discutaient dans une petite pièce fermée. Plusieurs personnes qui devaient être en quarantaine étaient aussi présentes ou ont voyagé avec l'escorte présidentielle sans respecter la moindre consigne pour éviter de propager le Covid-19. On ne s'étonnera pas que dans ces conditions le virus ait circulé à la Maison Blanche !

A gauche, réception à la Maison Blanche fin septembre 2020 juste avant que le président Trump soit déclaré positif au Covid-19 le 2 octobre 2020. Il resta 3 nuits à l'hôpital avant de revenir à la Maison Blanche. A droite, les personnes dans l'entourage proche du Président infectées par le Covid-19. De haut en bas et de gauche à droite, le président Donald Trump, Melania Trump, l'ancienne directrice des communications de la Maison Blanche Hope Hicks, le sénateur Mike Lee, l'ancienne conseillère à la Chambre Kellyanne Conway et la présidente du Comité national républicain Ronna McDaniel. Documents Doug Mills/The New York Times et AFP/Getty Images.

Finalement, tout comme l'OMS, après avoir longtemps minimisé la situation, le 5 octobre 2020 le CDC américain reconnut que le SARS-CoV-2 se propage au-delà de 2 mètres dans les espaces clos : "Ces transmissions ont eu lieu dans des espaces clos qui avaient une ventilation inadéquate. Parfois, la personne contaminée respirait fortement, par exemple en chantant ou en faisant de l'exercice".

De nouvelles preuves accablantes

Dans une étude publiée dans "The Lancet" le 15 avril 2021, Trisha Greenhalgh de l'Université d'Oxford et ses collègues apportèrent de "nouvelles peuves que le Covid-19 se transmet principalement par l'air". Selon le chimiste Jose-Luis Jimenez du CIRES et de l'Université du Colorado et coauteur de cette étude, "les preuves soutenant la transmission aérienne sont accablantes, et les preuves soutenant la transmission de grosses gouttelettes sont presque inexistantes. Il est urgent que l'OMS et d'autres agences de santé publique adaptent leur description de la transmission aux preuves scientifiques afin que l'atténuation se concentre sur la réduction de la transmission aérienne".

Les chercheurs ont examiné les études publiées à ce jour et identifié 10 éléments de preuves qui soutiennent la prédominance de la voie aérienne. En haut de leur liste se trouvent des évènements super-propagateurs tels que les épidémies suivant les rassemblements dans les églises comme le cas de Skagit Choir où 53 personnes furent contaminées à partir d'un seul cas.

Aérer son intérieur est recommandé pour limiter la propagation des virus en réduisant leur concentration. Document iStock.

Des études ont confirmé que ces clusters ne peuvent pas être expliqués par un contact étroit ou en touchant des surfaces ou des objets partagés. Ainsi en Haute-Savoie un enfant porteur du SARS-CoV-2 ne contamina aucune personne parmi les 127 contacts qu'il établit (cf. les facteurs de risque). De plus, les taux de transmission du SARS-CoV-2 sont beaucoup plus élevés à l'intérieur qu'à l'extérieur. On peut par exemple citer le cas des contaminations sur les navires de croisière et militaires en raison des espaces confinés (cf. la propagation de la pandémie de Covid-19) ainsi que dans les prisons. La transmission du virus est considérablement réduite si on installe une ventilation forcée intérieure et qu'on respecte les gestes barrières.

Le deuxième type d'évènement à risque est la transmission du virus à distance entre des personnes situées dans des pièces adjacentes dans des hôtels de quarantaine. Cette transmission à longue distance n'est possible qu'en l'absence totale de transmission communautaire.

Le troisième type d'évènement est lié à des porteurs asymptomatiques ou présymptomatiques du Covid-19 qui ne toussent pas ou n'éternuent pas. Ils représentent au moins un tiers, et peut-être jusqu'à 59% de toutes les transmissions dans le monde et a donc été le moyen clé pour le virus de se répandre sur la planète, soutenant un mode de transmission principalement aéroporté.

Parmi les autres causes, les chercheurs citent des infections nosocomiales (liées à un séjour dans un établissement de santé) documentées où les établissements ont pris des précautions strictes contre le risque de contamination par contact, par les gouttelettes et grâce à l'utilisation d'un équipement de protection individuel conçu pour protéger les personnes contre les gouttelettes mais pas contre l'exposition aux aérosols.

Les chercheurs soulignent que des mesures directes montrent que parler produit des milliers de particules d'aérosol et quelques grosses gouttelettes, ce qui soutient la voie aérienne. En revanche, l'équipe n'a trouvé que peu ou pas de preuves que le virus se propage facilement via de grosses gouttelettes qui tombent rapidement et contaminent les surfaces. Selon Greenhalgh, "Nous avons pu identifier et interpréter des articles hautement complexes et spécialisés sur la dynamique des écoulements de fluides et l'isolement des virus vivants. Alors que certains articles individuels ont été jugés faibles, dans l'ensemble, les preuves de transmission aérienne sont vastes et solides".

Les chercheurs soulignent que les "mesures contre les gouttelettes" telles que le lavage des mains et le nettoyage des surfaces, bien qu'elles ne soient pas sans importance, devraient être moins importantes que les mesures aéroportées qui traitent l'inhalation de particules infectieuses en suspension dans l'air. Par conséquent, les mesures de santé publique qui ne prennent pas en considération ce facteur aéroporté "laissent les gens sans protection et permettent au virus de se propager".

De toute évidence, les mesures de précautions et les restrictions prises en Europe vont bien dans le sens de cette étude. Reste à trouver un juste équilibre entre le risque sanitaire et les impacts psychologiques de mesures trop contraignantes et trop longues.

L'utilité du masque facial

Après tout ce que nous venons d'expliquer et après plus d'un an et demi de pandémie de Covid-19, une équipe internationale de chercheurs s'est penchée sur l'efficacité des masques faciaux dans la prévention de la transmission du virus dans une étude publiée dans la revue "Science" le 25 juin 2021. La question était de savoir si les masques sont efficaces malgré l'expulsion forcée de particules virales lors de la toux et des éternuements.

Selon les auteurs, les résultats de cette étude "montrent de manière convaincante que la plupart des personnes vivent dans des conditions où la charge virale en suspension dans l'air est faible. La probabilité d'être contaminé change de manière non linéaire en fonction de la quantité de particules virales à laquelle une personne est exposée. Si la plupart des personnes portent même un simple masque chirurgical, la probabilité d'une rencontre avec une particule virale est encore plus limitée. Dans les environnements intérieurs, il est impossible d'éviter de respirer l'air que quelqu'un d'autre a expiré, et dans les situations hospitalières où la concentration de virus est la plus élevée, même les masques les plus performants utilisés sans autres équipements de protection tels que les combinaisons de protection contre les matières dangereuses ne fourniront pas une protection adéquate."

A gauche, effet du port masque de protection facial sur la réduction du nombre de microgouttelettes exhalées et la contamination potentielle d'autrui. Au centre, réduction de la transmission aérienne suite au port du masque facial porté par personnes contaminées (contrôle à la source), des personnes sensibles portant un masque ou par toute personne portant un masque. (A) probabilité de contamination moyenne de la population en cas d'utilisation d'un masque comparée à la probabilité de contamination sans masque facial. (B) l'efficacité du masque correspondant, c'est-à-dire la réduction relative de la probabilité d'être contaminé (tracé pour les masques chirurgicaux). (C et D) comme (A) et (B) mais pour les masques FFP2. Les résultats obtenus pour le contrôle à la source sont représentés par la courbe rouge, les personnes portant un masque par la courbe jaune et la combinaison des deux mesures, c'est-à-dire le masque universel par la courbe bleue. Les zones grises indiquent le niveau de probabilité moyen de contamination de la population correspondant au nombre de reproduction de base du Covid-19. A droite, distributions granulométriques en volume des particules respiratoires émises lors de différentes activités avec et sans masque : (A) éternuer, (B) tousser, (C) parler et (D) respirer. Les cercles ouverts sont des données obtenues sans masque et les lignes continues sont des ajustements aux données. Les pointillés sont obtenus par mise à l'échelle avec les courbes d'efficacité des filtres des masques respectivement chirurgicaux et FFP2. vp est la concentration volumique, Dp est le diamètre des particules virales et dvp/dlog Dp la fonction de distribution dans le volume. Documents Sui Huang/Medium et Hang Su et al. (2021).

Enfin, le 31 août 2021 une méta-étude randomisée réalisée par l'ONG Poverty Action (IPA) au Bangladesh entre novembre 2020 et avril 2021 et impliquant 342126 adultes de 600 villages, montre sans équivoque que le port du masque facial chirurgical réduit la propagation du SARS-CoV-2, balayant définitivement les arguments des anti-masques.

Le groupe comprenait deux sous-ensembles. Un sous-groupe de 178000 participants était sensibilisé au risque de contamination. Il reçut des masques gratuits et de nombreuses informations sur l'importance du port du masque. Des responsables communautaires leur servaient de modèles et reçurent des rappels informatifs en personne pendant 8 semaines. Le sous-groupe de contrôle comprenait 164000 participants qui n'avaient pas été sensbilisés et ne reçurent pas de masque. Dans les deux groupes, le port du masque était laissé à l'appréciation des participants, en fonction des informations qu'ils possédaient.

Les chercheurs ont ensuite placé des observateurs dans toute la communauté et ont comptabilisé sur base hebdomadaire le nombre de personnes portant correctement le masque et se distanciaient physiquement dans les mosquées, les marchés et les principales routes d'accès aux villages et des étals de thé.

Aux 5e et 9e semaines après le début du test, les chercheurs ont interrogé les participants sur leurs éventuels symptômes liés à la Covid-19. Ensuite, environ 10 à 12 semaines après le début du test, ils ont réalisé des prélèvements sanguins auprès des participants symptomatiques pour évaluer leur niveau d'anticorps spécifiques anti-SARS-CoV-2.

Les résultats montrent que les participants portant le masque facial de manière appropriée sont passés de 13.3% dans le groupe de contrôle à 42.3% dans le groupe sensbilisé portant le masque. De plus, la distanciation physique était respectée par environ 24.1% des membres du groupe de contrôle, contre 29.2% dans le groupe sensibilisé.

Selon les chercheurs, cinq mois après l'essai, "l'impact du port du masque s'est estompé"; moins de personnes portaient correctement le masque, mais ceux qui le portaient sont restés 10% plus élevés dans le groupe sensibilisé par rapport au groupe de contrôle. Dans le groupe sensibilisé portant le masque, 7.62% des personnes présentaient des symptômes de la Covid-19, contre 8.62 % dans le groupe de contrôle. Les chercheurs ont collecté des échantillons de sang auprès d'environ 11000 participants et ont constaté que le port du masque réduisait l'infection symptomatique par le Covid-19 de 9.3%.

Selon les chercheurs, "Nos résultats ne doivent pas être interprétés comme signifiant que les masques ne peuvent empêcher que 10% des cas de Covid-19, sans parler de 10% de la létalité liée au Covid-19. L'impact quasi universel du port du masque peut-être obtenu par des stratégies alternatives ou une application plus stricte et peut être plusieurs fois plus important que notre estimation de 10%".

Les villageois ont reçu des masques faciaux en tissu ou des masques chirurgicaux. Dans les villages qui reçurent des masques chirurgicaux, les cas symptomatiques furent réduit de 11.2 % par rapport au groupe de contrôle. Ce pourcentage était encore plus élevé chez les personnes âgées : chez celles de 60 ans ou plus qui reçurent des masques chirurgicaux gratuits, les cas symptomatiques furent réduits de 34.7% par rapport au groupe de contrôle. les chercheurs n'ont pas constaté que les masques en tissu réduisaient le nomnre de cas symptomatiques par rapport au groupe de contrôle.

Bien que l'étude soit convaincante, les chercheurs admettent qu'elle présente certaines limites. Par exemple, bien qu'on demanda aux observateurs de rester discrets et de porter des vêtements unis, ils peuvent avoir été reconnus par les participants à l'étude, qui ont alors changé leurs comportements. L'étude n'a pas non plus pu déterminer si le port du masque avait un effet bénéfique sur les symptômes en réduisit la charge virale à laquelle les personnes masquées étaient exposées ou s'il évita de nouvelles contaminations. Quoi qu'il en soit, l'étude est l'une des nombreuses qui démontrent les avantages du port du masque.

En résumé, tant que l'espace est ouvert ou aéré et peu fréquenté, grâce au masque chirurgical il y a peu de risques d'être contaminé, mais la protection n'est pas 100% garantie. Mieux vaut donc en complément, garder ses distances et respecter les mesures d'hygiène. En revanche, dans les espaces clos fréquentés où l'air ne circule pas ou peu, seule une combinaison de protections est réellement efficace. Même en portant un masque chirurgical ou FFP2, dans un espace clos fréquenté mieux vaut donc écourter sa visite où choisir une heure de faible affluence, si possible dès l'ouverture sachant que l'endroit n'a pas été fréquenté pendant la nuit. La seule alternative est d'être vacciné tout en sachant que la vaccination ne vous empêche pas d'être éventuellement contaminé par le virus, mais cette contamination sera au mieux et le plus souvent sans effet et au pire accompagnée de symptômes bénins à modérés. On reviendra sur les avantages de la vaccination.

Prochain chapitre

La transmission par contact

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